22 Dec 2024

title pic Risque de méningiome : des questions encore sans réponse concernant la prise prolongée d’Androcur®

Posté par Bérengère Arnal le 9 septembre 2018

La base nationale de pharmacovigilance a observé une augmentation progressive de cas de méningiomes déclarés sous acétate de cyprotérone depuis 2009. En juin 2018, 100 cas ont été déclarés. Ce n’est pas rien. Plus de 500 cas de méningiomes chez des femmes prenant de l’acétate de cyprotérone ont été pris en charge en neurochirurgie ou neurologie entre 2007 et 2015.

Le 6 septembre 2018, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament, ANSM, s’interroge officiellement sur les risques encourus par les femmes et les hommes prenant de l’Androcur®, l’acétate de cyprotérone ou d’un de ses 14 génériques. Ce traitement hormonal multiplie par 20 le risque de développer un méningiome, lors d’une utilisation prolongée. Le méningiome est une tumeur du cerveau, le plus souvent bénigne. L’ANSM invite les personnes concernées à se rapprocher de leur médecin ou de leur pharmacien et précise qu’en aucun cas, elles ne doivent stopper leur traitement sans avis médical.

L’acétate de cyprotérone est un dérivé de synthèse de la progestérone. Il a une action antihormonale vis-à-vis des androgènes dont la testostérone, c’est un anti-androgène.

Quelles sont les indications de l’acétate de cyprotérone ?
Chez la femme, il est prescrit dans l’hirsutisme et est associé à un œstrogène. Chez l’homme, il fait partie de l’arsenal thérapeutique du cancer de la prostate. Cette molécule a pour effet secondaire, chez la femme comme chez l’homme, une diminution de la libido. C’est la raison pour laquelle, il a pu également être prescrit pour réduire les pulsions sexuelles.

L’information sur le risque de méningiome est-elle accessible au grand public ?
Le risque de méningiome, identifié depuis 2011, est effectivement notifié en dernière ligne des effets secondaires sur le site Eureka-Vidal . Il est écrit : « des cas de méningiomes ont été observés lors de traitement de plusieurs années. » La question qui se pose immédiatement est : plusieurs années, cela veut dire combien d’années minimum ?

A partir de quand, l’utilisation est-elle dite prolongée ?
Le risque de méningiome est-il proportionnel au temps de prise de l’acétate de cyprotérone ? Une prise prolongée de 8 ans entre 2000 et 2008, question posée par une patiente ce matin, peut-elle avoir encore des conséquences ?

Et l’on apprend que le risque de méningiome dépend aussi de la dose d’acétate de cyprotérone. Il existait deux dosages d’Androcur® et de ses 14 génériques : 50 mg et 100 mg. Le dosage de 100 mg prescrit dans les suites de cancer de la prostate ou destiné à traiter les pulsions sexuelles n’est plus sur le marché depuis avril 2018. Il n’empêche qu’un grand nombre d’individus ont pu ingérer 100 mg par jour sur une période prolongée…

Et qu’en est-il des jeunes filles et des femmes prenant Diane 35 ou un de ses deux génériques, en traitement de l’acné et de l’hirsutisme, ou hors AMM – autorisation de mise sur le marché – comme contraceptif ? L’acétate de cyprotérone entre dans la composition de Diane 35® à la dose de 2 mg. Il est associé à un œstrogène, l’éthinyl-œstradiol. L’ANMS écrit que « le risque de méningiome n’a pas été rapporté avec cette spécialité faiblement dosée en acétate de cyprotérone ». Cette information doit pouvoir être appliquée à Climène®, traitement hormonal de la ménopause, qui associe dans 10 comprimés sur 21, du valérate d’œstradiol et 1mg d’acétate de cyprotérone.

Quelle est l’évolution du méningiome à l’arrêt de l’acétate de cyprotérone ?
La plupart régressent à l’arrêt du traitement nous dit-on. La plupart, cela veut dire combien ? Et lorsqu’il n’y a pas de régression ? Que faut-il faire ?

Il nous est fourni les résultats d’une étude dite « en vie réelle », réalisée par l’Assurance Maladie et le service de neurochirurgie de l’hôpital Lariboisière, portant sur 7 ans et sur 250 000 femmes exposées. Deux groupes sont étudiés, le premier groupe recevant de fortes doses – au moins 3 boîtes par mois pendant six mois, puis poursuite du traitement -, le second recevant des doses moindres – 1 à 2 boîtes par mois pendant six mois puis arrêt du traitement -. Etaient-elles au courant du motif de l’étude et des risques encourus ?

Les résultats intermédiaires confirment une relation dose/effet et temps de prise/effet avec un risque de méningiome :
. multiplié par 7 pour le groupe exposé à des doses fortes, plus de 3 g sur plus de six mois, soit au moins 3 boites prescrites par mois
. multiplié par 20 au-delà d’une dose cumulée de 60 000 mg, ceci représente une prise de 50 mg pendant 20 jours par mois pendant 5 ans

« 5 ans » est-ce la réponse à la question posée ? A partir de quand, l’utilisation est-elle dite prolongée ?

Les résultats montrent que le risque de méningiome augmente fortement avec l’âge de la patiente. Existe-t-il un âge limite à partir duquel, on ne devrait plus prescrire d’acétate de cyprotérone ?

Les résultats montrent que le risque de méningiome diminue très fortement après l’arrêt du traitement. Ceci veut dire que le risque de méningiome après arrêt n’est pas nul. Faut-il adopter une surveillance particulière chez les femmes exposées à l’acétate de cyprotérone de façon prolongée et ayant cessé de le prendre ? Si oui, pendant combien de temps faut-il rester en vigilance ?

Après nous avoir rappelé la contre-indication de l’acétate de cyprotérone en cas d’antécédent de méningiome, l’ANSM nous informe « saisir les sociétés savantes concernées et les neurochirurgiens pour élaborer des recommandations d’utilisation de l’acétate de cyprotérone. » Il est grand temps de le faire.

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